Depuis un arrêt du 29 juin 2011 (pourvoi n°09-71.107), la Cour de cassation tient à vérifier que les accords de branche qui permettent la mise en place d’un forfait annuel en jours assurent une protection efficace de la sécurité et de la santé du travailleur.
Elle se fonde pour cela sur de nombreux textes, notamment la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ce qui illustre une nouvelle fois la volonté récente de la plus haute juridiction civile de viser les normes européennes dans ses décisions.
De nombreuses conventions collectives ont été déclarées illicites par la Cour de cassation :
– convention collective nationale des industries chimiques et connexes (Soc. 31 janvier 2012, pourvoi n°10-19.807)
– convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes (Soc. 14 mai 2014, pourvoi n°12-35.033 ; 17 novembre 2021, pourvoi n°19-16.756)
– accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises de bâtiment et travaux publics (Soc. 11 juin 2014, pourvoi n°11-20.985) mais la convention collective du bâtiment a, par avenant n°3 du 11 décembre 2012, réussit à se conformer aux exigences légales (Soc. 5 juillet 2023, pourvoi n°21-23.294)
– convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (Soc. 4 février 2015, pourvoi n°13-20.891)
– convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dit Syntec (Soc. 6 octobre 2015, pourvoi n°13-17.250)
– convention collective nationale de l’immobilier (Soc. 14 décembre 2016, pourvoi n°15-22.003)
– convention collective des avocats salariés (Soc. 8 novembre 2017, pourvoin°15-22.758) mais corrigée par Avenant n ° 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours
– convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (Soc. 16 octobre 2019, pourvoi n°18-16.539) corrigée par l’avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes
– convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires (Soc. 14 décembre 2022, pourvois n°20-20.572 et 21-10.251) corrigée par avenant du 9 mai 2012
– convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire (Soc. 5 juillet 2023, pourvoi n°21-23.387)
– convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes et convention collective du contrôle technique automobile (Soc. 5 juillet 2023, pourvoin°21-23.222)
Si vous êtes employeurs relevant d’une convention collective non corrigée, les conséquences peuvent être financièrement désastreuses. En effet, le conseil de prud’hommes va déclarer la convention individuelle de forfait nulle et va vous condamner à payer toutes les heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Comment éviter ces conséquences ? Tout d’abord, l’article L3121-63 du Code du travail (ancien L3121-39) dispose que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Pour éviter toute difficulté, il suffit donc de faire voter un accord d’entreprise respectant les exigences légales : veiller aux éventuelles surcharges de travail, au respect des durées minimales de repos, créer un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés, point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l’ensemble des jours de repos dans le courant de l’exercice… Il est préférable d’être accompagné par un cabinet d’avocat en droit du travail pour sa rédaction.
Ainsi, même si l’accord ou la convention de branche devait être illicite, votre accord d’entreprise licite vous prémunit de la nullité de la convention individuel de forfait.
Ensuite, l’autre possibilité est de faire un avenant au contrat de travail en supprimant le forfait et en transigeant sur les conséquences de la nullité de la clause. Pour faire simple, vous vous protégez pour l’avenir et, s’agissant du passé, contre une indemnité transactionnelle vous mettez fin à toute incertitude prud’homale.
Dans tous les cas, si vous avez recours au forfait dans l’entreprise, il est nécessaire de faire un audit social.